Je ne sais pas ce que je veux.
Je ne veux pas ce que je dis.
Et dans le dire, je me perds.
Je t’ai cherché, désir, dans les bras d’un autre,
dans le creux d’un mot, dans le soupir d’un rêve,
mais tu étais déjà ailleurs.
Jamais là où je t’attendais.
Toujours à côté.
Toujours en biais.
Toujours dans l’ombre d’un signifiant qui ne se laisse pas nommer.
Tu es ce qui glisse.
Ce qui m’ouvre la bouche.
Ce qui me fait parler quand je voudrais me taire.
Tu es la blessure dans la phrase,
le feu dans le silence,
la ligne qui tremble sous la censure du moi.
Tu n’as pas de forme,
mais tu t’incarnes dans le manque.
Tu ne dis rien, mais tu écris tout.
Je suis ton effet.
Ton détour.
Ton théâtre.
Chaque mot que je prononce est un mensonge
qui cherche à dire ta vérité.
Et chaque vérité que j’ose
se retourne, me renverse, me laisse nue.
Je t’ai entendu, désir,
dans la chute d’une voix,
dans le lapsus d’un enfant,
dans la phrase interrompue d’un rêve
que je n’ai pas su finir.
Tu viens me visiter la nuit
quand le moi dort,
quand les barrières tombent,
quand le corps se défait de sa grammaire.
Tu es là, dans l’écart,
entre le signifiant et le souffle.
Dans le battement entre deux mots,
dans le frisson qui monte
quand l’Autre se tait.
Tu n’as pas de centre,
pas de but.
Tu es sans fin,
sans repos,
sans solution.
Et pourtant je t’interprète.
Je t’interprète à défaut de te comprendre.
Je t’entoure, je te découpe,
je t’accueille en te repoussant.
Tu es mon fantasme.
Mais le fantasme est une mise en scène.
Un théâtre où je ne suis jamais à ma place.
Où je joue un rôle que je ne connais pas,
dans un décor écrit par l’Autre.
Et toi, désir, tu ris.
Tu ris de ma recherche.
Tu ris de mes mots bien dits.
Tu ris de mes questions.
Car tu ne veux pas être trouvé.
Tu veux être cherché.
Alors je continue.
Je parle, j’écris, je trébuche.
Je laisse venir les mots
comme on ouvre une porte sur le vide.
Car c’est dans le vide que tu surgis.
Dans le manque que tu vibres.
Dans le ratage que tu m’enseignes.
Tu es le sens qui ne se dit pas.
L’énigme dans le dit.
Le battement sous le savoir.
Le sexe du langage.
Et moi, pauvre sujet,
je m’offre à toi
comme on se jette dans la mer
sans savoir nager,
juste pour entendre
la vérité du corps qui s’enfonce.