La sexuation, les enjeux du phallique et le genre (2022)

La sexuation, les enjeux du phallique et le genre (2022)

La sexuation, les enjeux du phallique et le genre 

 

Publié sur internet, octobre 2022.

#sexuation #fist-fucking #phallus #lacan #freud #foucault #pas-tout #phallique

Les références bibliographiques apparaissent dans le fichier PDF.

Intervention orale – janvier 2016 – séminaire Les enjeux du phallique (Annie Tardits, Elisabeth Leypold – EpSF).

 

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Je vais chronologiquement aborder quelques aspects de la clinique du genre et des possibilités qu’elle ouvre pour penser la sexuation, les enjeux du phallique et le genre en particulier, et au-delà considérer quelques aspects des enjeux du phallique à la lumière du genre.

Nous aborderons pour ce faire la question de la dilatation avec Jean-Louis chrétien, celle du fist-fucking et de certains usages de drogues dans le cadre sexuel, pour parler de la jouissance Autre, du pas-tout et un peu de yoga.

 

À tenter de réfléchir sur « les enjeux du phallique » et « le genre », j’ai fini par me perdre en chemin. J’ai fini, ou commencé, par ne plus pouvoir m’expliquer la différence entre l’objet a et le phallus, et plus loin, ne plus savoir quoi faire du tableau de la sexuation.

 

L’image est devenue floue.

 

Puis finalement, elle s’est laissée penser dans cette sorte de confusion, pas si étonnante au fond. Car de l’objet a et du phallus, qu’on ne rencontre pas si souvent tels quels dans la vie ordinaire, je pouvais bien perdre, après tout, la netteté de leur présentation en tant que concept d’une part, et d’autre par en tant que représentation qu’ils sont l’un l’autre dans la théorie psychanalytique.

 

Je me trouvais à essayer d’éclaircir ce que serait une « pratique de la sexuation ». Cherchant à prolonger ce que j’ai tenté de décrire dans ma thèse sous le vocable « aménagements de la sexuation » — que le genre permettrait d’étayer —, et visant d’approcher sereinement — si tant est que cela soit possible — la question phallique dans un enseignement universitaire consacré au genre.

 

L’objet a m’a soufflé un bout de solution à l’oreille.

 

Tout à coup, il m’est apparu que la sexuation, tout comme l’objet a, n’appartient pas au monde phénoménal. Tandis que le phallus, dans certaines de ses nuances, profite d’une sorte de collapse avec la réalité lorsqu’il se fait objet imaginaire, chez Freud au moins. 

 

Le monde dit phénoménal, pour Kant — qui n’est pas sans rapport avec l’écriture des formules de la sexuation — et d’autres, se distingue du monde nouménal. Rappelons-nous que « phénomène » a pour étymologie « apparence », « ce qui apparaît », « qui brille ». Sont distingués d’un côté la réalité, telle que nous la percevons qui se laisse objectiver, et de l’autre côté l’énigmatique, l’inconnu, Dieu. Ce qui n’est pas de l’ordre du phénomène n’est pas accessible ou ne peut être appréhendé par la représentation ordinaire. Le nouménal est une limite dans son illimitation, c’est sur ce point qu’il nous intéresse. Et sans doute davantage dans l’usage qu’en fait Hegel plutôt que Kant, au-delà de qui il propose qu’à défaut d’avoir une expérience de la chose en soi — ou de la Totalité —, celle-ci peut tout de même être utilisée, être pratiquée en pensées.

 

Penser l’objet a comme ne relevant pas du monde phénoménal me paraît intuitivement une sorte d’évidence, qui ne soulève pas de question. Cela paraît être un principe même de ses multiples conceptions, sans besoin de souligner davantage cette irreprésentabilité de la cause du désir.

 

Concernant le phallus, laissons-le suspendu pour le moment.

 

De quoi parle-t-on lorsque l’on parle de la sexuation ? des formules du tableau à quatre cases ? de la sexuation en tant qu’elle existe au-delà son écriture ? de la sexuation en tant qu’une pratique de la sexuation peut-être définie ou observée ? ou bien encore de la sexuation en tant qu’elle suscite divers aménagements sexuels, sociaux, culturels ou politiques que nous pouvons rencontrer ? Et pour les résumer toutes ensemble, ces questions : s’agit-il de la sexuation en tant que phénomène ou non ?

 

Je dis que ce n’est pas un phénomène.

 

Dire que la sexuation de relève pas du monde phénoménal, c’est souligner la non représentabilité de la sexuation formulée par Lacan, et insister sur sa production effective dans une autre dimension que celle directement observable de la réalité depuis quoi la sexuation situe les corps que la biologie sexue. Lacan mêlant ces deux aspects dira dans…. ou pire : « […], c’est par le signifiant que vous vous sexuez. »

 

Le tableau fonctionne à lui seul sans autre entête. Nul besoin d’un côté qualifié d’homme ou d’un autre qualifié de femme qui finissent par être bien embarrassants tant ils empêchent de profiter des effets de ces formules et tant ils nous éloignent du but que Lacan lui-même parait se fixer en les proposant ou en les admettant au cours de son élaboration. Les « x » suffisent à entrer dans le jeu des formules. Ce qui n’empêche pas que la présentation des écritures soit séparée par une ligne médiane, puisque l’enjeu est bien de mettre en avant le caractère paradoxalement duel du non-rapport qui ouvre nécessairement à un au-delà de la binarité.

 

Plus je travaille cette question, plus je suis convaincu que ces formules ne sont pas à lire, ni même à déchiffrer. Les éléments qu’elles articulent peuvent l’être séparément les uns des autres, mais pas l’ensemble qu’elles forment en cohérence, sauf à s’embarquer dans une drôle d’exégèse ou d’interprétation.

 

Si les morceaux ou éléments séparés ont un intérêt d’être lus, pensés ou élaborés, c’est en se souvenant, comme le souligne Annie Tardits, qu’aux différents moments de leurs productions il n’est pas encore question d’appeler tout cela « sexuation » dans les propos de Lacan. Cette unification est produite secondairement à la discussion et la conception, par Lacan, de ces éléments précurseurs du tableau final.

 

De cette façon je crois qu’il est possible de profiter des effets que le genre nous offre afin de brouiller les pistes d’une lecture courante si efficace de ces formules qu’elle en fixe la pulsation, le rayonnement, en une cohérence de la pensée de la sexuation trop aboutie. Peut-être trop phallique, justement lorsque les formules de la sexuation sont parfois convoquées ou enseignées pour dire et montrer l’être de l’homme et l’être de la femme, alors que notre époque nous invite à considérer bien d’autres signifiants susceptibles de venir occuper la place des « x » dans les formules. Je veux dire par là que l’ensemble des genres, par exemple les 70 et quelques genres de Facebook peuvent bien venir s’y inscrire. 

 

Cependant, s’il faut, à toutes fins utiles, situer les sexes que l’on dit parfois homme ou parfois femme à la sexuation, c’est en maintenant fermement l’idée je crois apportée par Lacan, que le sujet n’a jamais que le sexe qui vaut pour l’autre sexe d’un autre sujet : ce en quoi il y a bien toujours deux sexes, deux sexes en présence (ou plus si affinités, mais je ne suis pas sûr qu’une partouze puisse dépasser l’expérience du deux sexes, fusse-t-elle composée de vingt ou trente personnes différentes).

 

J’entends aussi de cette manière que l’emploi des quanteurs par Lacan, comme d’autres avant lui, s’inscrit dans une sorte de dépassement des propositions kantiennes. L’enjeu du pas-tout phallique, pour Lacan, dans son propos, est bien de dépasser la limite des quanteurs fixant jusque là l’inventaire de l’existant à ce qui se trouve désigné sans plus d’égard pour ce qui, du même trait, s’en trouve rejeté et pourtant pas moins existant. C’est là un enjeu du pas-tout.

 

Ceci pour faire valoir que ce qui ne profite pas de la discrimination primaire du jugement d’existence n’est pas moins existant. Le partage introduit par la distinction, par la castration, ne peut rendre compte de ce dont il se sépare pour s’édifier. Cet état de fait, relevé par Freud, a ouvert à la pensée de la castration et de ses effets, de ses restes, dont le phallus imaginaire investi d’une primauté logique d’existence nécessaire à l’expérience de la contingence de la présence/non-présence sitôt vécue qu’extrapolée à l’expérience de l’existant/inexistant.

 

Alors il reste des « x » qui sont autant de signifiants possibles, ainsi que Lacan propose de « se servir des quanteurs ». S’en servir pour continuer, dit-il, de « dénombrer », seule chose ayant plus de prise sur le réel que les signifiants sexués, selon lui ; dénombrer pour poursuivre l’examen du savoir issu de l’expérience, de l’expérience du jugement de l’existant, et serrer toujours davantage les limites et les enjeux de ce que Freud a désigné par castration.

 

En dernier rappel pour achever ces préalables, je vous donne ou redonne les « résultats » d’un travail portant, en autre, sur la question trans qui m’a fait rencontrer le genre en tant qu’objet imaginaire, puisque c’est ainsi qu’il se faisait entendre et voir dans la parole subjective de quelques patient.e.s et leurs représentations. Le penser ainsi eut des conséquences logiques non négociables. Celles de définir le sexe en regard de ce que le genre imposait comme nouvel abord du paysage sexuel. Il en est ressorti ce premier tableau d’un repérage dimensionnel.

 

Imaginaire (1) Symbolique (2)
Genre (1) objet (1) processus (3)
Sexe (2) instance (4) objet (2)

 

***

 

Sans transition, plongeons maintenant tout de go dans le vaste bain de la joie spacieuse offerte par les drogues dans le cadre des pratiques sexuelles. La joie spacieuse, essai sur la dilatation, n’est pas le titre d’un manuel de fist-fucking, mais bien celui d’un ouvrage de Jean-Louis Chrétien sur cette crue de l’espace, qui porte et qui déchire — selon ses termes —, qu’il explore à travers les productions de sainte Thérèse d’Avila, Victor Hugo, Paul Claudel ou Henri Michaux.

 

L’indistinct est au cœur de son propos, dont il n’est pas aisé d’ailleurs d’y relever ce qui distinguerait ce que nous nommons jouissance phallique et jouissance Autre. Mais ses propositions, à défaut de démêler les jouissances de la psychanalyse, peuvent nous servir.

 

Jean-Louis Chrétien, ne serait-ce que dans son introduction, dit que s’intéresser à la dilatation, c’est rendre compte des modalités de notre épreuve commune avec l’espace, le dedans, le dehors. Il écrit : « Dès que la joie se lève, tout s’élargit. Notre respiration se fait plus ample, notre corps, l’instant d’avant replié sur lui-même, n’occupant que sa place ou son coin, tout à coup se redresse […] Rire ou pleurer, rire en pleurant, pleurer en riant, qu’importe !, c’est la réponse au même excès de ce qui vient. […] Qu’est-ce qui vient ? L’à venir. Mais il n’est pas seulement projeté, calculé, anticipé, imaginé, il surgit ici et maintenant, et c’est parce que cet ici et ce maintenant ne sauraient être ponctuels que tout s’élargit. »

 

La dilation est une affaire de cœur, de cœur qui grandit sous l’effet de la joie envahissante repoussant l’espace et tordant le temps, ou repoussant le temps et tordant l’espace. Elle est la parole témoignant de ces expériences d’extension et souligne aussi que cet élargissement « doit toujours conserver la mémoire de l’étroitesse à laquelle il s’arrache, et de la difficile victoire qu’aura été cet arrachement. » Nous pouvons y lire qu’il y aurait donc une relation non réductible de l’extension avec l’intension. Chrétien ajoute : « Il y a en effet un péril mortel dans toute illimitation qui perd de vue la limite, et qui n’en vient pas elle-même à se limiter. […] L’exaltation de la manie n’est pas la joie de la dilatation. Et l’affabulation n’est pas la parole dilatée. » 

 

Autrement dit, toute expansion ou toute ouverture, exagérément prononcées, gonflées artificiellement ne relèveraient pas, en ce sens, de la dilatation parcourue par Chrétien, mais sans doute de quelques hémorragies où ce qui devait tenir n’aurait pas tenu assez dans cette entreprise d’ouverture et de déliaison partielle et sélective, et non pas massive ni exhaustive au risque de la mort.

 

Parmi quelques patients adeptes du fist-fucking, j’ai pu quelquefois entendre cette persistance du point de bascule, l’action de ce qui semble lier les jouissances sur cette ligne de crête.

 

Après des heures ou des jours passés sous l’effet de drogues grâce auxquels les pratiques sexuelles peuvent se dérouler à l’infini ou presque, durant 24 ou 48 heures, certains ont bien décrit ce moment d’achèvement, d’interruption d’eux-mêmes et de leurs actes comme un temps de suspens décisif.

 

Un patient dit à propos de cet instant de la fin d’une session de fist-fucking et de consommation de drogues : « Je suis comme mort, abattu, rassasié, vide et sans forme, sans plus de vie ou presque. Puis je renais, reprends mes activités, débarrassé de ce qui m’encombrait. Je suis repu d’avoir été rempli de quelque chose qui a permis de me vider d’autre chose. » Paradoxe apparent là encore ou persistance d’une double inscription ?

 

Loin de ces scènes, une professeure de yoga enseignant la respiration pranayamique encourage ses élèves à expirer tout l’air de leurs poumons et observer ce point où rien ne se passe avant que l’inspire ne se déclenche à nouveau. À ce moment-là, dit-elle, le corps disparaît, le corps s’élargit. N’est-ce pas paradoxal que cet élargissement dans la disparition ?

 

Les psychologues et les psychanalystes n’ont bien souvent qu’une vision assez violente de la pratique fist-fucking, obnubilés sans doute par son caractère invasif et prétendument brutal en raison de sa force imaginaire. Vincent Estellon, dans son ouvrage Les sex-addicts, écrit : « Si Michel Foucault parle du fist-fucking comme d’une sorte de “yoga anal”, on ne peut ignorer la part de violence destructrice inhérente à cette pratique sexuelle extrême. » Ces appréciations font l’impasse sur la réalité d’une pratique éminemment scrupuleuse et précautionneuse, lente, progressive, sans quoi les accidents et les dommages seraient monnaie courante.

 

Michel Foucault a, en effet, dit quelque chose, à propos du fist-fucking. Mais il n’a jamais qualifié de « yoga anal » cette pratique, bien qu’une grande partie de la communauté gay SM puisse encourager cette filiation fraternelle avec Foucault et ce bon mot.

 

Que dit Foucault sur le fist-fucking ?

 

Extrait : « Comment voyez-vous l’extraordinaire prolifération, depuis ces dix ou quinze dernières années, des pratiques homosexuelles masculines, la sensualisation, si vous préférez, de certaines parties jusqu’alors négligées du corps et l’expression de nouveaux désirs ? Je pense, bien sûr, aux caractéristiques les plus frappantes de ce que nous appelons les films ghetto-pornos, les clubs de S/M ou de fistfucking. […]

  1. F. […] Je pense que le S/M est beaucoup plus que cela ; c’est la création réelle de nouvelles possibilités de plaisir, que l’on n’avait pas imaginé auparavant. L’idée que le S/M est lié à une violence profonde, que sa pratique est un moyen de libérer cette violence, de donner libre cours à l’agression est une idée stupide. Nous savons très bien que ce que ces gens font n’est pas agressif ; qu’ils inventent de nouvelles possibilités de plaisir en utilisant certaines parties bizarres de leur corps. Je pense que nous avons là une sorte de création, d’entreprise créatrice, dont l’une des principales caractéristiques est ce que j’appelle la désexualisation du plaisir. L’idée que le plaisir physique provient toujours du plaisir sexuel et l’idée que le plaisir sexuel est la base de tous les plaisirs possibles, cela, je pense, c’est vraiment quelque chose de faux. Ce que les pratiques S/M nous montrent, c’est que nous pouvons produire du plaisir à partir d’objets très étranges, en utilisant certaines parties bizarres de notre corps, dans des situations très inhabituelles, etc. »

 

Désexualiser le plaisir, c’est un peu faire taire le sexe au champ de la jouissance. Je perçois ici quelque chose qui résonne avec à ma proposition du genre/objet imaginaire qui permet de penser le sexe non pas comme objet phallus que le genre est, mais bien en tant qu’il est aussi dépourvu de cette primauté laissant alors un accès à son versant d’objet symbolique.

 

Dégager le sexe de ce qui n’est pas sexuel chez lui sauf à s’y méprendre, c’est éviter de le recouvrir d’un imaginaire phallus qu’il n’est pas ou de le confondre avec, c’est rouvrir la voie au genre/phallus vers quoi converge le sexuel enfin libéré du sexe trop accaparant.

 

La pratique du fist-fucking, nous rappelle Marco Vidal, n’est pas répertoriée dans le rapport Kinsey de 1948 et 1953. Elle n’est, en tant que telle et sous cette appellation précisément, repérée qu’en 1960 lorsque se créée aux États-Unis le TAIL (Total Anal Involment League — Ligue pour l’engagement total dans le cul), au sein de laquelle 1500 personnes revendiquent cette pratique de la pénétration du point dans le rectum ou le vagin.

 

Désexualiser le plaisir c’est un peu relever de ses fonctions le sexe pensé comme incarnation du phallus. En 1975, lorsque le célèbre établissement Les Catacombes ouvre ses portes à San Francisco, Pat Califia et d’autres fréquentent ce club devenu rapidement mixte du fait des pratiques sexuelles y ayant cours, pour lesquelles l’anatomie n’avait d’importance que d’exiger pour chacun.e d’avoir un cerveau et une main. 

 

Pat Califia écrit : « J’ai des rapports sexuels avec des pédés. Et je suis lesbienne. Ça vous laisse perplexe ? […] Je ne sais plus exactement chez combien d’hommes j’ai enfoncé ma (mes) mains et ça me met encore en transe. C’est impressionnant d’être aussi proche d’un autre être humain. Au milieu des boîtes de vaseline, je me suis souvent demandé comment il est possible de franchir la “frontière du genre” pendant ce type de sexe. Tout d’abord, le fisting n’insiste pas sur les organes génitaux. Dans les soirées fisting, les hommes en général ne s’intéressent pas à la queue des autres, mais à leurs mains et leurs avant-bras. Il est normal pour les fistés de passer une nuit sans bander. […] Alors que j’avais plus d’expérience au sein de la communauté SM, je me suis rendu compte que c’était aussi une sexualité qui permettait aux gens de franchir les frontières rigides de l’orientation sexuelle. J’ai rencontré des lesbiennes qui se tapaient des hétéros pour de l’argent (j’ai aussi fait ça à une époque). J’ai rencontré des hétéros qui enculaient ou se faisaient enculer par d’autres hommes si leur maîtresse le leur demandait. Et comme cela avait lieu sous l’autorité d’une femme, ils pensaient avoir un comportement hétérosexuel. […] »

 

Il n’y a certes pas eu besoin d’attendre les années 1970 pour que la pratique de l’intromission du poing dans le rectum ou le vagin existe. Un extrait d’écrit de Sade en témoigne comme suit : « Et vous, madame, soignez donc mon cul : il s’offre à vous… Ne voyez-vous pas comme il bâille, mon foutu cul ? … ne voyez-vous donc pas qu’il appelle vos doigts ? … Foutredieu ! mon extase est complète… vous les y enfoncez jusqu’au poignet ! Ah ! Remettons-nous, je n’en puis plus… cette charmante fille m’a sucé comme un ange… ».

 

***

 

Mais revenons à la jouissance Autre, telle qu’elle semble se manifester, peut-être spécifiquement, par les faveurs des drogues dans le cadre des pratiques sexuelles.

 

Entre les années 1970 et aujourd’hui en 2015, les pratiques sexuelles alors émergentes dont nous avons parlé, ont été spécifiquement frappées par l’épidémie de sida. Je devrais même dire, pour être plus précis, par le réel du virus du HIV, un virus objet réel de portée imaginaire capable de s’immiscer gravement dans l’économie du désir et les capacités amoureuses. 

 

Dans un contexte de refoulement intracommunautaire et de fortes discriminations, que je ne reprendrai pas aujourd’hui, des hommes homosexuels, ou gays, séropositifs, ont connu plus que tout autre, un engouement pour les drogues dans le cadre sexuel, depuis les années 2004-2005-2006 environ. Jusqu’à cette date, les produits tels que le GHB ou la MDMA, parfois, mais plus rarement des méthamphétamines telles que le crystal pouvaient être consommées entre l’espace festif et la chambre à coucher pour être préférées à l’occasion pour la chambre à coucher exclusivement.

 

Depuis 2004-2006, la consommation spécifique de cathinones (drogues dérivées de kath) — dont la méphédrone est la plus connue et souvent mentionnée pour désigner des molécules qui n’en sont pas — a explosé à partir des réseaux sociaux de rencontres sexuels entre HSH (Hommes ayant des relations Sexuelles avec d’autres Hommes) à la recherche de sexe « sans tabou » — voulant dire non protégé —, à la recherche de plan « chem » — sous produits, chem pour chemical en anglais.

 

En cela, ces recherches de sexe avec drogues ne se distinguent pas des recherches ordinaires de tout un tas d’autres HSH. La différence réside dans le choix des produits tout d’abord, car les cathinones sont venus occuper une part spécifique du marché de la drogue. Ces produits peuvent être commandés sur internet, livrés par les services postaux en quelques jours, peu chers, diversifiés et toujours nouveaux : des drogues de synthèse parfaitement adaptées à une logique capitaliste à destination de personnes fortement individualisées, voire acculées par la stigmatisation inconsciente permanente qu’ils subissent, et plus forte aujourd’hui qu’en d’autres temps passés de l’épidémie.

 

Le genre, dans ces situations cliniques, est toujours convoqué dans des processus de conception, de délimitation du sens et des signes en rapport avec l’expérience sexuelle. C’est d’ailleurs une chose que je généralise peu à peu, ainsi que le tableau du repérage Sexe/Genre permet de les situer l’un par rapport à l’autre dans leurs spécificités phalliques également. La dimension du genre vient soutenir une élaboration sous-jacente à propos de la commande identitaire que les identités sexuelles font peser aux sujets qu’elles épinglent ou qui s’y reconnaissent. Le genre participe très explicitement à l’entreprise qui lie le langage au sens. Alors que le sexe participe plus explicitement à ce qui lie le langage au corps.

 

Ces cathinones présentent des intérêts multiples dont ceux de produire des effets entactogènes et empathogènes puissants. Les trips sexuels racontés expriment une expérience d’une intensité jamais rencontrée, où les productions/déformations du perçu/vu/senti/entendu peuvent tout en étant magiquement transformées être partagées avec le ou les partenaires. Certains, même s’ils ne sont majoritaires, rapportent des expériences de perceptions communes, d’hallucinations à deux interactives. 

 

La plus grande part d’entre eux dit pouvoir accéder à un sentiment de soi et des possibilités de relation aux autres dont il n’est pas pensable de vouloir se priver. La jouissance sexuelle ne semble plus faire barrage au rapport sexuel. Elle est littéralement déportée par les effets de la drogue en question, déportée et projetée sur l’écran des phénomènes hallucinatoires partagés. Ces nouvelles molécules occasionnent des expériences d’un niveau très élevé de mise en commun, de partage sensationnel et de dilution des barrages dressés classiquement par la jouissance sexuelle (signant le non-rapport).

 

Érections et orgasmes sont dissous dans les autres possibilités de sensation et d’autres jouirs, ou abandonnés (perte de l’érection, impossibilité d’atteindre l’éjaculation) ni plus ni moins au point qu’il est permis de penser que la jouissance sexuelle est spécialement tenue à l’écart grâce à la molécule ; sans pour autant empêcher — bien au contraire — le recours à d’autres pratiques sexuelles et d’autres types de jouissances, finalement disponibles à laisser se jouer le rapport, à lui donner une forme dans la réalité (entre imaginaire et hallucination) et ainsi le faire exister quelque part, pour un temps.

 

Ces expériences ont toutes un point commun : d’être des occasions de suspension des questions sexuelles personnelles. Les drogues permettent, de toute évidence, de se soulager du prix à payer pour rencontrer l’autre sexe — fut-il le même en apparence, anatomiquement parlant ou soi-disant parlant. Le prix à payer étant, comme le dit Lacan, d’avoir à en passer par l’organe investi de la fonction d’instrument faisant de lui un signifiant.

 

Ainsi, grâce aux drogues, la primauté phallique qui peut confiner à la réification de l’organe quand la confusion opère, et parce que la confusion doit bien opérer en partie pour que l’organe soit investi, cette primauté est déjouée le plus pragmatiquement qui soit, en la mettant en berne. Les cathinones ne permettent pas de bander et donc ne permettent pas qu’une pénétration puisse se faire par l’organe investi en instrument traditionnellement, ou tout du moins pas celui-là.

 

Comme avec Pat Califia, un autre organe est investi en instrument phallique par lequel s’active le même processus nécessaire à rencontrer l’autre sexe — puisse-t-il l’être par l’anus, puisqu’à toutes fins utiles c’est toujours le bras ou l’anus d’un certain « x »/signifiant par quoi des sujets veulent bien se sexuer.

 

Revenons à la jouissance Autre et son développement vis-à-vis de la jouissance phallique pour examiner la manière dont elles semblent, en certaines occasions, se séparer, se désintriquer. Le risque fatal, d’une jouissance alors mortelle, repéré tout à l’heure dans la citation de Chrétien doit être repris maintenant, pour élucider si son funeste horizon tiendrait du démantèlement de ces deux jouissances ou bien d’un autre processus qui viendrait les frapper au point de leur distanciation la plus grande ?

 

Certains consommateurs de drogues telles que les cathinones, dans le cadre sexuel, meurent d’overdose ou d’arrêt respiratoire ou d’autres complications cardio-vasculaires, comme on dit. Ceux qui s’injectent ces drogues pratiquent ce qu’on appelle le slam, qui signifie littéralement : envoyer. Vous le savez sans doute, slam, c’est un art de joute verbal, c’est un art poétique, une façon d’envoyer des textes dits, déclamés devant un auditoire, à l’adresse d’un public.

 

Le poète américain Marc Smith développe cette approche de la récitation de poèmes en 1986, pour rendre l’exercice plus moderne, plus musical. Une posture s’en dégage, qui engage le corps d’une certaine manière dans cette interprétation du texte porté à haute voix, debout devant un public. Le slameur envoie le texte, il balance le son et le sens.

Côté valeur, le slam est considéré et pratiqué par des personnes, dans des communautés partageant un intérêt pour la liberté, le dépassement des barrières, et l’ouverture d’esprit.

En anglais, to slam the door veut dire claquer la porte, par exemple. Ou bien encore, éreinter, démolir, s’écraser contre quelque chose. Mais c’est aussi gagner un grand slam, un grand chelem. Ou encore c’est raccrocher brutalement, slam down.

En résumé, a slam, c’est un chelem, to slam, c’est faire claquer.

 

Lorsqu’un consommateur envoie le produit dans la veine, il se prend une claque, il décroche et claque la porte à un moment de son expérience pour entrer brutalement dans un autre moment de son expérience sous l’effet du produit. L’équivalent d’un flash, non identique à celui créé par l’héroïne, est décrit, moins intense, et rapidement perdu au profit d’une multiplication des injections. Jusqu’à une vingtaine ou plus, par nuit, par session. L’impact sur le capital veineux est considérable, les dommages cardio-vasculaires sont potentiellement très importants du fait des multiples impacts et leurs infections (abcès, atteinte des nerfs et des tendons des mains, des bras ou nécrose des chairs ou du pénis lorsqu’il est choisi comme point d’injection).

 

X % des ces chemsexeurs décèdent chaque année.

 

Comment la mort survient-elle à partir de la disjonction fatale de la limite comme instance et de la dilatation comme processus ? Quand la jouissance devient-elle mortelle ? Est-ce d’atteindre un point extrême de son processus d’expansion ?

 

Chrétien dit qu’une limite doit être maintenue, et plus que cela, qu’elle fait partie de la possibilité même de cette sorte de dépassement de la limite qu’est la dilatation. Ceci résonne avec l’idée précédemment évoquée d’un pas-tout phallique co-occurrent du phallique et non pas son envers. Ceci permet d’envisager que ce n’est pas seulement le détricotage de l’une avec l’autre qui séparerait les jouissances au-delà d’un point de non-retour

 

Un patient slameur a pu relever, un jour, combien l’intégration d’une pratique alliant le démembrement libérateur d’une certaine expansion devait être maintenue associée à sa tenue dans une forme délimitée. Pour lui c’est l’écriture, ou la possibilité de la reprise de l’écriture après des moments de panne durant lesquels l’encombrement empêchait la libération du corps par les pensées pré-écrites, toutes prêtes à sortir par l’écriture. La possibilité de les sortir par les mots de la parole en séance n’a jamais et ne sera jamais une équivalence complète à ce que produit l’écrit, mais cela a ouvert à la possibilité d’envisager cette pratique de soi au service d’un aménagement de cet « apaisement dans la force » comme dit encore la professeure de yoga.

 

Entrer dans la posture, dit encore la professeure de yoga, sortir de la posture ne se résume pas à prendre la pose ou ne plus prendre la pose, mais dit-elle encore : « tenir la posture et s’y laisser couler comme de l’eau dans un vase. » 

 

Ce n’est pas se ramollir, ou s’avachir ou se répandre, c’est s’étendre, se dilater. Le pas-tout c’est tout le contraire du fameux « lâcher prise » que certains patients inscrivent en étendard pour dire le sens, après-coup, des consommations. Mais comment distinguer un lâcher-prise, d’une dilatation ou d’une régression ? Elles n’ont pas les mêmes effets ni ne témoignent des mêmes savoir-faire subjectifs ? Toutes ne sont pas favorables à ce que des relances phalliques opèrent à un moment donné, par lesquelles les effets de signifiés viennent à se faire représenter par le signifiant phallus, permettant au sujet de ne pas quitter le langage, et de ne pas mourir d’un abandon pulsionnel de ses organes. Quand au bout de la jouissance certains ne se relèvent pas, c’est peut-être cela qui se produit…

 

Certains patients décrivent les moments de descente comme des convalescences où la nourriture et le soin sont tout dirigés vers le corps, d’autres y rencontrent la reprise de l’écriture dans un foisonnement régulateur permettant de revenir à la surface.

 

Dans ces moments d’éclipse, entre évanouissement et relèvement, le genre apparaît être ce à quoi du phallus le sujet s’appuie pour se redresser, depuis les affres diluants où le sexe semble l’y avoir mené précédemment.

 

La jouissance Autre semble s’allier davantage avec le sexe qu’avec le genre qui paraît toutes les fois où il émerge tenir ou relever de la jouissance phallique. Tous ceux qui m’ont appris cela devancent le manque de l’objet pour lui préférer ce qui même en son absence fait fonction : est-ce là une marque d’une expérience mélancolique ou l’effet d’une expérience du statut de l’objet par temps de néolibéralisme ? Certains ont pu dire : « puisque rien n’est alors n’importe quoi fonctionne, voilà tout ce qui importe sinon on meurt. »

 

Un enjeu du phallique, ici, est sans doute de soutenir, dans la cure, une autre voie possible, que celle ainsi formulée, pour que la capacité de régresser ne soit pas réduite à un simple lâcher-prise aux effets délétères. Et qu’un savoir-faire de la dilatation puisse témoigner d’une possibilité de supporter les effets de la jouissance Autre qui traverse l’expérience subjective. Que l’expérience du pas-tout ne soit pas seulement synonyme de non-existence susceptible de déclencher ces opérations de sauvetage faisant courir un risque mortel, mais qu’elle devienne un support consistant que le genre permet d’éclairer à propos du sexe par ce qu’il n’est pas.

 

L’écriture, le yoga ou le fist-fucking sont peut-être de ce point de vue des modalités variées visant le développement d’une pratique de la dilatation propre à accueillir les effets de la jouissance Autre, les effets du pas-tout phallique.

 

PS 1 :

 

J’espère, en procédant de cette manière, tenir la réflexion au plus près du phallus comme marque de l’écart entre jouissance et savoir, et ce faisant avoir une pratique de la sexuation en tenant compte de sa non-appartenance au monde phénoménal, donc sûrement pas génital, ni même sexuel. Ni même sexuel, car je ne suis pas sûr que les termes du raisonnement rendu possible par la sexuation emportent tant que cela avec lui le sexuel freudien, pour lui préférer plutôt le réel — lacanien — du sexe et le réel du langage, ce qu’il y a de réel dans le langage.

 

Si nous considérons, la façon dont nous pouvons observer cliniquement des cadences, des intervalles dans lesquels les jouissances s’illustrent et se laissent apprécier l’une et l’autre pour leurs qualités, n’y a-t-il pas là une opportunité pour penser que les jouissances s’entrecroisent répétitivement en des points de suture, de joints qui ponctuent autant de possibilités de reprises si l’une vient à ne plus être limitée — la jouissance Autre — ou si l’autre — la phallique — vient à s’échouer sur un point trop phallique de son déploiement — nécessitant alors, dans les deux cas, la relance du phallus. Autant de reprises possibles pour que la maille ne file pas trop. Peut-on dire autant de phallus ? Ou bien plutôt autant de relances phalliques possibles par lesquelles les effets de signifiés viendraient à se faire représenter par le signifiant phallus, permettant au sujet de ne pas quitter le langage, et de ne pas mourir d’une désintrication pulsionnelle des organes.

 

C’est dans cette voie que le phallus pourrait bien être pensé comme marque de l’écart entre jouissance et savoir, en tant qu’il serait le signifiant de cet écart, tout autant que le signifié de la jouissance, et dans tous les cas celui par quoi se fait désigner l’ensemble des effets de signifiés comme autant « d’aliénations » — pour le dire avec Lacan. Aliénations vitales.

 

Un enjeu du phallique est peut-être, ici, celui d’une reprise de la théorie du jugement et de ce qui fait signe pour le jugement capable de donner toute sa place à ce qui se juge et qui n’est pas signe, mais cependant signifiant, autrement dit ce qui ne symbolise pas, mais qui fait sens malgré tout.

 

En d’autres termes pour conclure : ce que le genre permet d’éclairer du sexe en ce qu’il n’est pas pour maintenir notre investigation du savoir à propos de l’insu du sexuel, et le savoir de la psychanalyse comme nécessairement pas-tout phallique.

 

PS 2 :

 

Mais alors pourquoi ne pas en passer, plus ordinairement, par les organes classiquement investis au rang d’instrument ? C’est peut-être, c’est ma conviction, que la charge imaginaire/réelle/symbolique pesant sur certains organes peut s’avérer contraire à la possibilité même de cheminer vers la jouissance. Ce n’est pas avec l’argument de l’incompétence subjective à faire avec la castration que je suis tenté de saisir le sens de ces innovations, mais bien plutôt par le fait du savoir sur le sexuel dont les sujets disposent — y compris sans le savoir.

 

Ce savoir sur le sexuel qui fait depuis au moins les années 1970, comprendre à tout un tas d’hommes, de femmes, de trans, de gays, de lesbiennes et d’hétéros ou de straights que l’organe n’est plus à confondre avec le pouvoir sexuel qui s’investit de lui. Et qu’à ce titre ce pouvoir, fort critiqué dans ces mêmes années de féminisme et de lutte contre les discriminations, ne mérite que la plus stricte suspicion. Une suspicion identique à celle qui donne fondement à la discrimination adressée aux gays séropositifs dans leur propre communauté, une discrimination chargée de faire tenir la marque du rapport entre l’existant et l’inexistant, de faire tenir le phallus avec l’organe pour suturer les agitations imaginaires que le virus active. Une suspicion faiseuse de marques, pourvoyeuse de phallus volants tous prêts à se poser, s’abattre sur une pratique ou une autre engageant tel ou tel organe non sexuellement surdéterminé, car cela est trop chargé.

 

Plus encore aujourd’hui qu’en 1970, les gays savent, sida oblige, combien la jouissance faisant barrage au rapport sexuel n’en demeure pas moins la clé d’une relation sexuelle à quoi il faut bien offrir de nouvelles formes que celles autrefois coupables des pires événements qu’ont été et que sont les sexismes, les homophobies, mais aussi les contaminations, car des inégalités sexuelles il faut désormais compter, dans le cas des HSH, avec l’inégalité virale.

 

Échapper à la discrimination, au jugement de l’existant/inexistant, échapper à la castration pour un temps au moins ou faire valoir l’au-delà de la castration qui ne peut tout saisir par son procès, voilà bien un programme sexuel moderne ou post-moderne en tout cas post-Freud, que nous pouvons nommer avec Lacan : le programme pas-tout.

 

Mais le pas-tout est-il à concevoir comme le verso du tout qui en serait le recto ? Il n’y a pas de tout phallique, mais il y a le phallique et le pas-tout phallique. C’est important à souligner, car l’une et l’autre ne sont pas l’endroit et l’envers d’un champ de la jouissance dont nous pourrions tenter de cerner les deux pans, ou faces.

 

Différemment de cela, le pas-tout serait ce domaine où l’action de distinguer le différent n’est plus de l’ordre de la nécessité mais du possible autant que pas-toute possible, soit une action contingente relative. Qu’elle soit entamée, même à minima, suffit à faire tomber dans la contingence la plus stricte des nécessités, nul besoin de la contrarié entièrement, une simple entame suffit ; l’ensemble n’est donc pas à considérer dans son atteinte comme une totalité ni un tout, mais plutôt comme une unité affectée.

 

Le pas-tout serait ce champ, ce domaine où le différent peut être reconnu, mais non nécessairement relevé en tant que tel, ni érigé au point de le réifier lui-même ou bien ce qui du sujet s’en fait représenter comme signifiant. Un pas-tout non contraire au phallique, mais co-occurent du phallique, ouvrant ainsi à l’impossible, en tant qu’au-delà du possible. Ce serait, dans cette voie, une manière de penser ou de constater une possible altérité portée au même sans le condamner, ce même, au jugement du strictement différent. Un pas-tout permettant de distinguer que la mêmeté ne fait pas l’unicité, et que le différent révèle l’unicité d’une mêmeté différentielle. Autrement dit, rien que de l’hétéros. Rien qu’un autre « x » dont ni le sexe apparent, ni l’anatomie revendiquée — fussent-ils uniques ou mimétiques — ne peuvent se contredire, ou s’opposer.