Les 4 saisons de la RDR
THS, vol. 6, n°223, 2004, p. 1147-1151.
INTRODUCTION.
La politique de réduction des risques liés à l’usage de drogues (RdR) connaît à l’heure actuelle une étape importante de son développement. Après plusieurs années de mise en place et d’expérimentation, elle entre aujourd’hui dans le code de la santé publique. Bien plus qu’une consécration idéologique ou même politique, la “légalisation” de la RdR confirme les efforts réalisés en près de 20 ans, offre des perspectives. Cependant, nombre d’interrogations sur la volonté politique de notre pays dans son effort d’accompagnement et de prise en charge des usages de drogues demeurent. Qu’en est-il réellement de l’implication et de la détermination de l’état pour nos actions de santé publique. Qu’en sera-t-il au moment de confirmer les moyens et les outils de notre développement.
L’Association Française de Réduction Des Risques (AFR), l’Association Nationale des Intervenants en Toxicomanie (ANIT), SAFE et AIDES ont participé de près ou de loin au travail de lobby législatif à l’origine de l’inscription de la réduction des risques dans le code de la santé publique. Alors que la loi d’orientation de santé publique (LOSP) a achevé son parcours parlementaire, il paraît nécessaire de présenter une rétrospective des deux années passées, durant lesquelles cette réforme a émergé, pour la compréhension générale et parce que plusieurs questions se posent sur la mise en oeuvre de ces modifications législatives.
2002 – CHANGEMENT DE GOUVERNEMENT.
En 2002, chacun s’en souvient, la France à changé de gouvernement. De nombreux remaniements institutionnels ont procédé, le départ de Mme Nicole Maestracci et l’arrivée de M. Didier Jayle à la tête de la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT), celle de M. Matteï au ministère de la santé. À cette même période, les acteurs de la prise en charge des usagers de drogues en Centre de Soins Spécialisés en Toxicomanie (CSST) et les acteurs de la RdR commencent à investir une plate-forme “RdR & Soins” sur l’initiative de l’ANIT Ile de France, ce qui a donné lieu à 2 réunions dans les mairies des 12ème et 10ème arrondissements de Paris. En fin d’année 2002, je suis contraint de mettre un terme à l’activité de
l’association que je dirige (C3R 93) après de nombreux mois de difficultés insurmontables. Une fois la liquidation prononcée nous commençons à nous inquiéter de l’avenir des structures de RdR dont la précarité financière semble atteindre son apogée, grâce aux désagréments provoqués notamment par le gel républicain (appliqué lors de la campagne électorale présidentielle et législative) et des promesses de soutien du ministre laissées lettre morte (malgré ses engagements prononcés en juillet 2002 lors de la conférence internationale VIH-sida de Barcelone). Catherine Duplessy (Directrice de SAFE) me contacte pour que l’on prenne le pouls du dispositif RdR français que nous sentons en difficulté. Plusieurs associations contactent SAFE ou la commission Drogues & Usage d’Act Up-paris dont j’ai la responsabilité à l’époque. Les appels s’enchaînent, on a l’impression que tout le monde rencontre de graves problèmes. Des licenciements ont lieu. Des structures ferment leurs portes. Des programmes d’échange de seringues ne peuvent plus assurer leurs missions. Pas une région n’est épargnée. Toutes connaissent une baisse d’activité faute de moyens. En janvier 2003, nous démarrons un état des lieux du dispositif sur tout le pays. Il y a un intérêt à long terme. Développer notre évaluation. Mais aussi à court terme, anticiper les projets de lois en cours sur la santé publique et une possible réforme de la loi de 1970. Le projet est vaste et nous n’avons que notre temps à investir. Les bureaux de SAFE nous servent de quartier général, en particulier à Catherine Duplessy. Moi je m’installe dans ma chambre avec mon téléphone, profitant des premiers jours de vacances forcées par le chômage.
ÉTAT DES LIEUX DU DISPOSITIF DE RdR – où se cache l’information, où en sommes-nous réellement ?
Quand nous en parlons pour la première fois, notre première idée est que l’information, sous toutes ses formes, doit bien exister quelque part, et qu’il nous suffit de la compiler pour l’analyser tranquillement. C’est sans compter que le secteur de la RdR n’a pas suffisamment d’importance pour fait l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publiques. Les rares enquêtes que nous trouvons dans les données officielles de la DGS comportent des erreurs. Aucun répertoire mis à jour. Des classements par catégories d’actions pas suffisamment adaptés à la réalité. Un gouffre. Le nouvel interlocuteur de la RdR à la Direction Générale de la Santé (DGS) est le Docteur Gérard Chevallier. Nos échanges ont démarré à ce moment de notre recherche.
Un premier questionnaire est rapidement mis en place pour interroger les associations les plus en difficulté. Le but est d’intervenir sur les situations les plus urgentes. La collaboration des structures de terrain n’est pas très satisfaisante et rares sont celles à collaborer pleinement. En mars nous élaborons un double questionnaire d’enquête, à l’intention des associations et services de RdR (RdR seule/ou associée à un programme de soins spécialisé) par l’intermédiaire d’entretien téléphonique, et vers les DDASS par un questionnaire de recensement des actions financées (désignation, répertoire). Ce travail est bientôt rejoint par une seconde initiative, de l’AFR, en août 2003. Les deux travaux sont désignés respectivement par “l’enquête de l’AFR” et “l’état des lieux de SAFE”. Ce premier travail nous a mené à la conférence latine de RdR de Perpignan en mai 2003, où nous avons présenté des résultats partiels de notre travail qui se sont avérés erronés pas la suite. Sur la base des premières structures interrogées nous avons identifié une forte proportion de services de RdR rattachés à des centres de soins (+ de 80%). Il nous a fallu quelques mois de plus pour recenser un nombre bien plus important de services et associations de RdR en France, dont alors une minorité (- de 25%), étaient en lien structurel avec des centres de soins. Le dispositif s’est alors révélé bien plus divers et nombreux que nous le pensions. La variété des professionnels inscrits dans des actions de RdR, la disparition des usagers au sein des équipes. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Pour la suite de ce travail, nous abandonnons le questionnaire aux structures par téléphone, long et fastidieux, pour ne maintenir que l’état des lieux par l’intermédiaire des DDASS. Les derniers résultats disponibles ont été présentés lors des journées de l’ANIT à Narbonne en juin 2004 (Etat des lieux et Enquête). D’autres comptes-rendus vont suivre prochainement.
AUTOMNE 2003.
Loi d’orientation de santé publique : acte 1, première lecture de l’assemblée nationale.
A la rentrée parlementaire 2003, la LOSP soutenue par M. Jean François Matteï doit arriver en première discussion à l’assemblée nationale vers le mois d’octobre. Dans le même temps, une question importante se pose autour du futur statut de la RdR, plus précisément sur le choix que les pouvoirs publiques sont amenés à faire pour tenter de consacrer et encadrer le dispositif par la loi. Comme nous l’imaginons, les solutions sont multiples. Toutes n’obtiennent pas notre satisfaction et nous décidons de poursuivre notre recherche pour une meilleure connaissance de la RdR Française. L’Etat des lieux devient un enjeu de connaissances en vue de nos échanges avec la DGS et nos interlocuteurs politiques, pour peser le plus possible dans les discussions législatives à venir, pour maîtriser la teneur de certains débats avec les pouvoirs publics et le réseau associatif.
C’est à cette même période que l’ANIT Ile de France, à l’initiative de Mme Martine Lacoste et le Mme Catherine Pequard, lance une commission de travail “RdR” destinée à faire collaborer quelques personnes de l’ANIT avec des acteurs de la RdR. L’objectif du groupe est de poursuivre les plates-formes précédemment amorcées entre les acteurs du soin et les acteurs de la RdR en région Ile de France en 2002. Compte tenu de l’actualité législative à venir dans le secteur de la santé, nous nous mettons rapidement à débattre. La LOSP s’impose comme le levier du futur encadrement des actions de RdR. Sa discussion programmée en octobre devient notre premier tour de piste. Peu avant l’ouverture des débats par les parlementaires sur le texte de loi du ministre de la santé, nous comprenons le retard et l’incompréhension qui règne du côté des pouvoirs publics dans leur connaissance du dispositif. Nous prenons également la mesure du développement encore expérimental de la politique de RdR en France, loin de présenter les qualités d’une politique approuvée, évaluée, définie, uniforme, et même cohérente à certains égards. De ce fait, la première solution envisagée par l’Etat est de favoriser l’élargissement du décret d’application des CSST, dans lequel il est fait mention de la RdR parmi l’ensemble des actions menées par ces derniers. Cette modification réglementaire vise à englober le plus possible d’associations ou de services de RdR dans le cadre de loi 2002-2 qui bénéficie aux CSST. Cette solution ne nous plaît pas. Si elle est adoptée, elle condamne un grand nombre des actions de RdR non liées sur un plan structurel aux dispositifs de soins (rattachement associatif, conventionnement, contrat). La mise en réseau et la création de lien qui deviendrait “obligé” entre des équipes de RdR et des équipes des centres de soins nous semble être l’inverse du partenariat auquel nous aspirons. D’abord parce que difficile à mettre en place dans de nombreux endroits du pays, et simplement contraire à notre idée de la collaboration entre les acteurs RdR et les acteurs du soin, nécessairement motivée par une volonté réciproque et des valeurs communes. Nous en discutons au sein de la commission “RdR-ANIT” qui se réunit maintenant toutes les 3 à 4 semaines dans la bibliothèque du centre Marmottan. Fort de notre conviction nous encourageons le ministère à déposer un amendement visant à créer un article supplémentaire au texte de loi pour inscrire la RdR aux compétences d’état (dans le Chapitre dispositions générales du titre II “infection par le virus de l’immunodéficience humaine” du Livre Ier “lutte contre les maladies transmissibles” de la Troisième partie “Lutte contre les maladies et les dépendances” du Code de la Santé Publique). Nous pensons sincèrement que le ministre le présentera. Au moment où la discussion s’ouvre à l’assemblée, nous constatons que J-F Matteï n’en a rien fait. Nous décidons alors de préparer nous-même le dépôt d’un amendement lors du passage en première lecture au Sénat de ce texte prévu pour le mois de janvier 2004.
HIVER 2004.
Loi d’orientation de santé publique : acte 2, première lecture du Sénat.
Le passage au Sénat est programmé pour les 13, 14 et 15 janvier 2004. Nous voulons mettre toutes nos chances de notre côté et lançons simultanément plusieurs pistes vers différents sénateurs et députés pour être certains que notre amendement soit déposé dans les temps et dans les formes. Ainsi, le texte est déposé 3 fois. Le ministre le dépose lui aussi au nom du gouvernement, ainsi que le sénateur Plasait (co-responsable de la commission d’enquête à l’origine du rapport “Drogue : l’autre cancer”) qui sera quelques mois plus tard signataire d’un projet de loi de réforme de la loi de 1970 avec le député Dell’Agnola déjà connu pour avoir milité en faveur de disposition répressive à l’égard de l’usage de drogues au volant. (Annexe 1 : le texte est donc présent aux débats sous l’amendement n°247 de M. Plasait, le n°351 pour le gouvernement identique au n°247, et enfin le n°257 de M. Seillier légèrement différent). Le mercredi 14 janvier, la discussion a pris du retard mais l’article 7 est finalement discuté aux alentours de 23 heures. Il est tard, et après 7 heures de débats, les bancs prévus pour le public ne sont pas confortables. Voilà déjà deux fois que l’on m’interpelle pour que je me redresse sur ma planche, séance oblige. J’ai bien essayé de me détendre discrètement, mais le personnel à l’oeil. L’amendement n°247 est mis en discussion, et adopté après quelques échanges entre le ministre, le parti socialiste et le sénateur Plasait. Surprenant. Ses arguments sont dithyrambiques, il ne tarit pas d’éloge pour la RdR, je le vois de loin et j’écoute quelques échanges d’amabilité entre lui et le ministre, je suis médusé. Les débats (Annexe 2) durent environ trente minutes pour cet article additionnel. Tout le monde range son cartable et la petite dizaine de sénateurs présents regagnent la sortie. Moi aussi.
Le texte est satisfaisant mais comporte quelques défauts que nous souhaitons pouvoir rectifier avant la fin des discussions parlementaires sur ce projet de loi. Nous nous remettons donc au travail pour le passage en 2nd lecture à l’assemblée nationale prévue au début du mois d’avril.
PRINTEMPS 2004.
Loi d’orientation de santé publique : acte 3, deuxième lecture de l’assemblée nationale.
L’hiver ayant été fructueux, nous préparons plusieurs amendements. Nos propositions visent plusieurs niveaux du texte. Il est question de définir plus largement le cadre d’intervention au delà des seules dépendances et consommations des produits illégaux, anticiper les difficultés liées à l’encadrement de certains dispositifs aux contours fluctuants comme les programmes d’intervention en milieu festif, évoquer un futur passage des financements de la RdR à l’assurance maladie, demander la suspension des sanctions pour facilitation et provocation aux acteurs et collaborateurs de la RdR et lutte contre le sida d’une manière générale… Bref, beaucoup d’ambition.
Toutes ces propositions ne vont pas toutes être menées jusque dans l’hémicycle mais la plupart. Suite à quelques cafouillages de boîte mail, nous doublons l’envoi des textes, avec deux versions différentes. Cet impair nous coûte l’abandon de certains textes, et une nouvelle rédaction d’autres que nous ne maîtrisons pas. Nous nous en mordons les doigts dans un premier temps. À charge de revanche, le lobby est un travail minutieux.
Les 7 et 8 avril, la discussion des députés ressemble vite à une course, tout va vite. Ils semblent manquer de temps. Cette machinerie commence à vraiment m’amuser. Je passe dès que possible au Palais Bourbon pour suivre les séances et regarde sur la chaîne parlementaire les rediffusions du soir. Ce texte nous aura fait vivre à l’heure parlementaire pendant quelques mois. Aujourd’hui tout le monde à l’air de manquer de temps. Les députés présents étalent sur deux ou trois places leurs tas de papiers. Les feuilles volent dans tous les sens, ils ont des liasses d’amendements sous le coude et un crayon de bois dans la main droite pour cocher au fur et à mesure. Peu de personnes sont présentes, les députés désignés pour suivre la discussion votent pour leur groupe.
Vient enfin le tour de notre article désormais baptisé l’article 7bis, le 8 avril après la reprise de séance de 15 heures. Cette fois, six amendements différents sont en discussion (Annexe 3). Trois sont soutenu pas M. Le Guen (parti socialiste), les n° 234, n°235 et n°236. M. Dubernard, rapporteur du projet de loi soutient un amendement, le n° 366. Les deux autres sont soutenus par le gouvernement, les n° 370 et n° 368. Les débats sont rapides mais denses, les six amendements sont discutés, adoptés ou évacués en moins de vingt cinq minutes (Annexe 4). Au final, un bilan mitigé pour nos propositions. Certaines leçons aussi, car les amendements gouvernementaux ont visiblement repris des éléments proposés par le parti socialiste (notre porte-voix pour l’occasion) en corrigeant judicieusement certaines formules. Nous n’obtenons pas la mise en cohérence de la première phrase pour harmoniser les textes de loi relatifs aux CSST avec celui de la RdR (n°234).
Par contre, à notre étonnement, la suspension des dispositions prévues à l’article “ex-L630” et assimilés de l’amendement n°233 (Annexe 5) est acceptée (Annexe 6). Il est nommé l’article 7 ter. Cette modification du code pénal est un aménagement de la loi de 70 par laquelle nous voulons suspendre les dispositions relatives à la facilitation ou à la provocation à l’usage dans le cadre des actions de santé publique de la lutte contre le sida et de réduction des risques et annuler les sanctions prévues par loi. Cette réforme peut avoir des conséquences extrêmement importantes. Les acteurs et les collaborateurs de la RdR et de la lutte contre le sida peuvent espérer travailler dans un cadre plus clément. Plus question d’entretenir l’hypocrisie de notre loi. C’est une sorte de victoire. Nous demandons notamment à l’avocat de Jean Marc Priez, en procès, d’étudier l’intérêt de ce changement législatif. Il y a aussi le procès en cours des volontaires de AIDES, mis en cause dans le cadre de leurs actions de prévention “Sainte Capote”. Nous nous posons beaucoup de questions sur la motivation du gouvernement. On ose même une question : ont-ils bien lu ? La fin du mois d’avril nous éclaire. Le ministre Douste-Blazy profite d’une séance supplémentaire le 28 avril avant le renvoi du texte au Sénat pour faire annuler notre “petite réforme de la loi de 70”. Les propos motivant ce retour en arrière sont éloquents. Ils entendent lutter contre la permissivité et le laxisme. La discussion ressemble à un feed-back des débats qui ont eu lieu dans ce même endroit, trente ans auparavant (Annexe 7). Nous sommes tristes. Je pars quand même pour le Teknival du 1er mai. Demain il fera beau.
ÉTÉ 2004.
Loi d’orientation de santé publique : acte 4, deuxième lecture du sénat.
Le texte de loi est renvoyé devant le Sénat en séance extraordinaire pour le 9 juillet. L’actualité de ce début d’été est chargée. Le Sénat examine de nouveau la LOSP. L’Assemblée nationale vote de son côté le projet de réforme de l’assurance maladie dont certaines dispositions nous apportent du travail imprévu notamment pour réagir aux propositions de création d’un statut spécifique à la délivrance de certains médicaments susceptibles de faire l’objet d’un détournement (bubrénorphine entre autre). Nous voulons proposer à nouveau nos amendements déçus pour cette discussion. Par principe, et pour avancer plus loin dans les débats. Les arguments évoqués lors de la seconde lecture à l’Assemblée nationale obligent à rectifier notre exposé des motifs, notamment pour la réforme de la loi de 70 que nous maintenons, en développant quelques points en réponse au ministre de la santé, faute d’avoir pu en échanger avec lui de vive voix. Le nouvel amendement n°233 est donc adressé à plusieurs sénateurs des groupes socialistes, communistes et verts (Annexe 8). Aucun d’eux ne prend en charge le dépôt de l’amendement qui restera désormais dans nos tiroirs. Les discussions en 2nd lecture du texte de loi ne s’arrêtent pas davantage sur l’article 7bis consacré à la RdR. Fin de l’histoire. Le texte définitif est donc celui de l’Annexe 9.
ANALYSES & CRITIQUES.
Alors que nous sommes arrivés au terme de la procédure législative qui arrête le texte de loi d’orientation de santé publique, il n’est reste pas moins un travail conséquent à accomplir. La légalisation de la RdR telle qu’exposée ici ne doit pas faire oublier toutes les difficultés qui demeurent. En outre, cette réforme comporte en elle-même des imperfections qui auront très prochainement des conséquences sur la vie des associations et le déroulement des actions de RdR. La loi va être suivie de sa mise en application par voie réglementaire : un décret et un référentiel national. Pour l’heure, ces deux textes ne sont pas attendus rapidement mais leur élaboration a débutée. Nous sommes sollicités par les pouvoirs publics pour participer aux travaux préparatoires. La DGS organise depuis le mois de mai des réunions où sont conviés quelques acteurs de la RdR, du soin et des représentants institutionnels. Le pourtour définitif de ces textes fera l’objet pour toute ou partie d’un arbitrage interministériel. En attendant, nos interlocuteurs sont la DGS et la MILDT, chargés respectivement de travailler sur le décret d’application et le référentiel national. La nouvelle rédaction du chapitre des dispositions générales du titre sida du code de la santé publique pose un cadre général à l’encadrement de la RdR. Le décret d’application, lui, doit préciser les modalités de mise en oeuvre. C’est une explication du cadre. Pourtant, il ne peut que déterminer à son tour des objectifs de travail confiés à la RdR et préciser les modes d’actions concernés par la nouvelle disposition législative. Le référentiel, de son côté, doit exposer une base critique définissant ce qui relève de la RdR. Il va sans dire que ces deux documents vont parler plus ou moins de la même chose sans pouvoir être confondus. Le référentiel doit avoir pour qualité d’être comme son nom l’indique la référence : une définition du contenu de la RdR pouvant servir à un arbitrage, à une évaluation de ce qui est et ce qui n’est pas du ressort de la RdR. Le décret expose pour sa part les objectifs en terme de santé publique qui sont attendus de la RdR : population, lutte contre les épidémies, modes d’action générale, buts, et quelques précisions des outils. La description des outils, justement, est bien ce qui pause problème à l’heure actuelle. Le code de la santé publique crée les Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques des Usagers de Drogues (CAARUD). Il mentionne que ces CARRUD, “avec les autres dispositifs, contribuent à la politique” de RdR.
Une première question se pose. Qui et quoi relèvent du titre de CAARUD ? Cette question est importante car ces nouveaux centres vont relever de l’article 9 du code de la famille et de l’action sociale, entrant ainsi parmi les services et établissement à caractère sanitaire et social.
Actuellement, nous percevons une possibilité d’étayer la définition et la description des CAARUD de telle manière que la plus grande partie des différentes catégories d’actions entre dans le giron de cette appellation : automates, boutique, équipe mobile, intervention festive, etc…). L’ensemble de ces actions entreront-elles dans ce cadre. La question doit être posée d’un point de vue technique, est ce possible par exemple d’introniser comme établissement et services du médico-social des automates, et d’un point de vue politique et idéologique, est-ce pertinent de vouloir encadrer de cette manière certains dispositifs bien loin de concrétiser ce que les députés ont choisi de dénommé “centres” comme les équipes d’intervention en milieu festif. Quid de notre souhait commun à tous de privilégier l’innovation, et le caractère nécessairement souple de la RdR qui doit, comme par le passé, conserver toute latitude utile à l’expérimentation et à l’initiative.
Le financement des actions est la deuxième question. Si les CAARUD, grâce à leur statut d’établissement médico-sociaux, bénéficient à moyen ou long terme d’un financement de l’assurance maladie. Qu’en est-il alors des actions labellisées ou non en tant que CAARUD telles que les automates, les associations de prévention par les pairs en milieu techno, vis-à-vis d’une improbable tutelle comme l’assurance maladie ? Et quoi prévoir pour le financement des dits “autres dispositifs” ? Est-ce à craindre vraiment de maintenir une partie du dispositif de RdR avec des moyens non pérennisés (en conservant plus longtemps des crédits d’intervention) ou le prix à payer d’une relative liberté d’intervention ? Que sera dés l’année prochaine la teneur des financements accordés aux actions de prévention dans la nouvelle nomenclature budgétaire ?
La parole de “l’usage de drogue à la première personne” est la troisième question. Depuis les lois récentes, initiées par Bernard Kouchner, les établissements médico-sociaux doivent satisfaire à un certains nombre de qualités du point de vue de la participation des usagers des services, de l’accès à l’information des patients… Cette nouvelle situation offerte par les CAARUD peut être considéré comme la possibilité d’améliorer et d’approfondir la vie des structures de RdR en faisant évoluer ses fondements institutionnels par l’officialisation et la structuration des instances démocratiques qui les gèrent (conseil d’usagers, participation au conseil d’administration…).
Aurions-nous pu “légaliser” la RdR autrement qu’au sein du titre sida du code de la santé publique ? C’est la quatrième question. Cette interrogation renvoie au démarrage de ce travail d’encadrement de la politique de RdR. Le code de la santé publique est composé de nombreux livres, découpé en titres et en chapitres. La lutte contre le sida depuis les années 80 constitue un titre à part entière du code. Cette disposition tend à faire face depuis cette époque à la gravité de l’épidémie. La RdR existe depuis le début de son développement sur la base d’un cadre légal non cohérent, promu par des circulaires et des décrets, sans relever d’un cadre légal général.
L’inscription d’une politique de santé au code répond à un certain nombre de règles dont celle de pouvoir trouver une place logique et légitime au sein de l’arborescence du code de la santé récemment modifiée. La RdR pèse mois de 15 millions d’euros par an. Ce budget mineur ne permet pas d’envisager la création d’un chapitre particulier sauf à bénéficier d’une volonté politique particulière. La lutte contre la toxicomanie, elle, est déterminée par un chapitre spécifique. La politique de RdR, pour être consacré dans la loi, doit faire le choix de son affiliation soit à la loi de 1970, soit au titre de la lutte contre le sida comme nouvelle compétence d’état. Nous avons milité pour son rattachement à la lutte contre le sida, source historique par ailleurs de son existence financière.
CONCLUSION & PERSPECTIVES.
Voilà la chronologie de la réforme de la loi de santé publique achevée, pour la partie concernant la RdR au moins. Reste à envisager les travaux à venir pour la mise en application de ce nouveau cadre légal. Nous ne devons pas perdre de vue l’intégralité des points de revendications qui nous conduits à réaliser ce premier travail de lobby. Si l’avenir des CAARUD, en attendant de connaître précisément leurs contours, peut nous rassurer ; il reste à imaginer celui que nous souhaitons obtenir pour l’ensemble des actions de prévention et des “autres dispositifs”.
La préparation du décret d’application est en cours (attendu pour début octobre). Il sera sans doute suivi de nouvelle mesure financière sur le plan administratif. L’ensemble des projets de RdR du territoire doit d’ores et déjà réfléchir aux modifications de leurs organisations qui seront nécessaires à d’éventuels passages en CROSS : rapprochement structurel de centre de soins ou dispositifs hospitalier, regroupements associatifs des programmes non liés à des centres de soins… L’AFR et l’association SAFE vont prochainement diffuser des supports explicatifs et proposer au dispositif les moyens d’une bonne compréhension pour anticiper les évolutions pratiques attendues pour l’année 2005.