Si La Femme n’existe pas, La Bite non plus
Publié sur internet, juin 2022.
Ce texte Si La Femme n’existe pas vient conclure ce que je désigne par le volume 2 de La clinique du genre en psychanalyse 2014-2022 intitulé principalement Du genre à l’a-sexuation. Ce volume n’est pour l’heure pas publié, contrairement à Le sexe réinventé par le genre, une construction psychanalytique (2016), qui constitue le volume 1 de La clinique du genre en psychanalyse 2006-2014.
Ce volume 2 est composé, tout simplement, des articles élaborés depuis 2014, figurant dans la bibliographie du site internet et spécialement dans la rubrique Clinique du genre.
Pour lire ce texte, mieux vaut avoir lu les précédents.
Les vies parlantes traversent des transitions, qu’elles soient de genre ou de sexe, ou bien encore d’autres formations des matières identitaires que nous désignons par x. À ce titre, elles éclairent un aspect décisif d’une conception possible du terme de la cure psychanalytique à partir de la notion d’identification au symptôme. Jusqu’à motiver la distinction d’une autre notion, celle d’identité de transition, venant discuter celles dites d’aliénation et celles dites de séparation. Toutes les vies traversent cela. L’expérience psychanalytique peut continuer d’en éclairer les déambulations et les trouvailles.
Pour approcher cette possibilité, il faut tout de même reprendre le chemin emprunté depuis le repérage des transitions de genre, des transitions de sexe, des transitions de x : chacune devant être nuancée selon qu’il s’agisse de transition par/pour/contre le sexe ou de transition par/pour/contre le genre, ou donc de transition par/pour/contre le x. Repérages (par/pour/contre) s’articulant à leur tour avec les orientations possibles du sujet dans la structure, selon que nous sommes invité·e·s à penser la névrose, la psychose et la perversion.
Et ne pas perdre de vue ce que le passage du fantasme hétéros-patriarche au fantasme a-patride nous confie pour vérité sur le forçage du discours capitaliste faisant du Phallus — symbole même de son manque — l’a de l’objet — fut-il a ou aux allures de cause.
Phallus rendu objet cause
Car si le Phallus est défini comme signifiant sans signifié, étant lui-même signifiant de la jouissance, rien n’exclut, à l’appui de l’expérience clinique, que de l’objet a y soit promu, en pièces détachées, au rang de substitut à l’absence d’un contenu de la signifiance. Ce qui pose, instantanément, la question : comment se réaliserait donc cette percée de l’absence, avec l’élan suffisant pour la porter à la surface de l’énoncé où la cause du désir en viendrait à damer le pion du « pas » (négation) dont l’articulation phallique se fonde et opère ?
A n’en point douter, les rapports du signifiant et du performatif tels que nous les supposons distords, y jouent à plein. Mais pas seulement… Faut-il interroger la forclusion phallique au point où elle porterait sur le Phallus lui-même ?
Pour celles et ceux pour qui dire non à la fonction phallique, s’inscrire avec la fonction de la castration n’est plus possible, n’est pas possible, quelques questions…
Sont-ielles perverses par choix de sujet dans la structure ? NON. Ielles sont privées de la possibilité du dire non à la fonction phallique, ielles y sont obligées, non de lui dire oui, mais obligées par elle-même — cette fonction phallique (peut-être défectueuse) — de ne pas lui dire ni oui ni non, déportées qu’ielles se trouvent par l’objet a d’y tenir la place de l’x pour l’autre (parental, par exemple) faisant barrage (cette sorte de permutation/exil) à l’intégration de toute dialectique, condamnées ou obligées ou convoquées à n’être pas l’ambivalence incarnée (contrairement aux apparences), ordinaire de l’ambiguïté sexuelle naturelle, mais sa résolution virtuelle rehaussée par ses plus-values potentielles.
C’est donc bien hors-Phallus que l’a-sexuation opère, faute de sexuation ordinaire, privée de l’appui classique de l’articulation phallique (toute et pas-toute, qui toutes deux lui disent oui), obligée d’articuler avec de l’a ce qu’il en est de la Jouissance. D’où les difficultés d’appropriation des régimes de l’identité, sexuelle/genre, notamment. Empêchées de pervertir à leur guise ce qui reste de la sexuation comme gamme (faire ses gammes) sans marge, ou avec marge incluse, sans pouvoir s’en sortir en tordant, un peu, la Chose résistante à l’affaire.
Ceci étant dû à la confusion persistante, y compris chez les analystes, de l’objet avec le Phallus, de la possibilité d’objectiver le Phallus. Il n’est pas un objet, mais un signifiant, l’a est lui un objet.
Comme si la littéralité du signifiant de son manque, du Phallus même, s’était chosifiée, comme si le Phallus avait été trop objectivé ou ramené à ce qu’il n’est pas : un objet qui puisse s’acquérir de quelque manière, même virtuelle.
Comment s’est opéré ce glissement du Phallus, signifiant, à une espèce de Phallus objet ? Par l’amoindrissement de la reconnaissance de l’objet a, dévalué, comme la réalité psychique sous les coups de boutoir de la réalité scientifique.
À tordre l’objet a pour le rendre accessible, achetable, c’est le Phallus lui-même qui se trouve à ne plus y prendre l’appui de n’avoir rien avoir avec lui.
Ainsi, la sexuation n’est pas pervertie, mais la circulation dans la sexuation est empêchée par le pervertissement de l’a en signifiant et du Phallus en objet.
Il ne s’observe pas une permutation objet/signifiant des Phallus et objet a, mais sa tentative et réalisation partielle en certaines dimensions.
Le phallus mal compris, pris pour ce qu’il n’est pas, fait retour au corps comme savoir refusé. Mal compris d’avoir été pris pour objet où il n’est que signifiant. Sa chute, sa dégradation emporte avec elle une dégradation du signifiant lui-même face aux attraits du performatif. Mais le performatif ne quitte jamais la surface de l’énoncé où gît la vérité pour lui, privant l’enfant ou l’être du signifiant dont la vérité gît très ailleurs de l’énoncé, du côté de l’énonciation.
L’atteinte récente, moderne, faite au sujet n’est pas seulement de le priver de sa gravité, il est privé aussi, du coup, de s’orienter dans la structure, il ne fait que la subir, sans nuance ni latitude.
Écho de la sexuation privée/rétablie de perversité
Nous le voyons dans la réduction des formules après introduction de l’objet a dans les écritures, elles se réduisent à peau de chagrin : pas-tout/tout, reste le pas. L’a-sexuation, telle que ces enfants — ceux que l’on dit transgenres se trouvent en témoigner —, se présente à ielles sous les forme d’un « pas », sans alternative ni esquive possibles, comme une interdiction à étendre le champ de l’impossible lui-même puisqu’il est présentifié, incarné en « pas » : l’impossible fait corps, fait en corps, comme un démenti d’un réel dont le savoir refusé réapparaît dans la réalité corporelle sans l’appui nécessaire de la réalité psychique.
Reste alors la rectification, la correction pour répondre à ce bulletin scolaire ne faisant état que des ratages, de ce qui ne va pas sans autre proposition d’alternative, de proposition personnelle, de subjectivation de l’erreur commune du sexe faite au sujet qui la subit.
L’impossibilité du dire non à la fonction phallique, donc impossibilité de s’inscrire avec la fonction de la castration, du fait de la substitution apparente du Phallus par l’objet a, oblige à se situer avec l’a-sexuation qui ne donne aucune alternative que celle de résoudre l’erreur sexuelle là où elle fait retour, donc sur le corps de la réalité.
D’où vient cette erreur sexuelle d’avoir écrasé le Phallus en cause objectivable ? De la non-reconnaissance d’une part de la réalité psychique par la réalité scientifique et évaluable, d’autre part grâce à la surdétermination virtuelle de la réalité tout entière qui fait du non-spécualire à l’imaginaire une classe inexistante, et c’est dommage, puisque c’est là que se bricole le sexe du sujet lorsque l’écriture du sexe, pour un·e sujet·e, opère de donner une forme non visible à l’imaginaire d’un savoir en devenir depuis le réel du sexe.
La transformation de l’objet a de cause à reste de désir, plus virtuel qu’imaginaire (en tout cas surtout pas non spéculaire), prive de la possibilité dialectique classique.
Le Phallus est réduit à l’objet, le signifiant du manque manque, le corps doit accueillir la rectification en lui donnant forme (en donnant, forme au reste de désir parental non dialectique du point de vue de l’ambivalence normale du désir). C’est d’un désir plein, forcé d’être cohérent, sans ambiguïté, que le parent parvient à priver l’enfant de la dialectique du manque à être, pour lui laisser que l’exigence de l’avoir en traitement du « pas ». Comme le règne d’une négativité sans nuance, sans épaisseur, une négativité réduite au « pas ».
Hypothèse…
L’enfant·e folle
Les enfants transgenres, dans cette hypothèse, souffrent d’un effet de la croyance en la normalité de tous, sans exception, que le discours ambiant libéral doit laisser croire par le consommateur qui n’est pas sujet.
L’enfant se voit fourrer les normes sexuelles au cœur de son être par un processus de forclusion du signifiant Phallus, plutôt que de les laisser être, elles, mises à l’écart de l’être à la frontière du corps, elle-même activée par un refus de savoir la jouissance Autre chez le·s parents ou substituts.
La jouissance Autre est repoussée par le conscient, avec elle les perceptions induites par cette jouissance. À l’inconscient se rapprochent à l’horizon une nouvelle politique phallique contemporaine : Phallus en soldes — Cause toujours tu m’intéresses, désir.
Ielles, les enfant·e·s transgenres, ne pervertissent pas le manque, et ne profitent pas de cette option pour s’organiser. Par refus préalable de la perversion créatrice, refus soutenu par l’exigence de normalité de tout, de normalisation des marges, d’écrasement du merveilleux, du singulier, du rare, de l’herbe folle. Ielles sont sommé·e·s, par les générations qui les précèdent, de traiter la libéralisation sexuelle ayant empêché la libération sexuelle imaginaire célébrée par une mémoire révisionniste.
Puisque nous savons bien, toutes et tous aîné·e·s responsables, ce que nous avons pu laisser subir à la consistance du signifiant, du mot, pour la faire mariner dans le jus de la liquidation de sa signification, telle que la jouissance peut être désarrimée ainsi que l’expérience de la psychose nous l’enseigne. Non que ceci qualifie la structure ou l’orientation du sujet dans celle-ci, mais donne sens à la dispersion comme effet qui se constate dans les ambitions de régulation par l’œuvre de transition, notamment la constitution de l’identité de transition.
Forclusion du Phallus ou démenti de la Jouissance
Hypothèse.
Le schème culturel œdipien ne fonctionnant plus si bien : tou·s·tes ne s’y retrouvent pas (rejet, faute de place, statut de l’ambiguïté sexuelle, etc). Le Phallus signifiant est forclos. La sexuation doit bien trouver un autre opérateur.
Trop de savoir sur le sexuel a été mis en circulation pour s’arrêter là dans la déconstruction interprétation et construction réinvention de la psychanalyse donc de la Culture.
« Le constat que nous faisons d’emblée en abordant le concept de phallus chez Lacan est qu’il constitue une pièce maîtresse de la structure. Il est solidaire à la fois du complexe de castration, donc de l’Œdipe, du langage, donc du rapport entre signifiant et signifié, et du réseau symbolique des échanges, notamment les structures élémentaires de la parenté. Solidaire également de la métaphore paternelle, du nouage entre le réel, le symbolique et l’imaginaire, de ses modes d’assujettissement (psychose, névrose, perversion) et enfin de la cure analytique elle-même, de son déroulement, de sa terminaison et de sa fin, du transfert. ref »
Ni l’universel ni le particulier, par le Phallus et par l’objet a, ne sont matérialisables dans le monde phénoménal, ni même nouménal, puisqu’ils semblent préciser leur situation : au lieu de la discontinuité, au point du malentendu.
Lacan a fait du Phallus un signifiant pour ne pas le laisser sombrer dans les affres de l’objet dont il est, semble-t-il, un peu issu depuis la surface du corps. Je dis un peu, car l’expérience analytique montre bien comment le pénis des hommes appréhendés comme précurseur dudit Phallus, qui est aussi son nom lorsqu’il s’écrit avec un petit « p », n’est de ce destin psychique et culturel, jamais tout à fait leur entière propriété : la bite, le pénis, la queue, le phallus des hommes est toujours la bite des hommes, très rarement celle, unique, du corps à quoi elle s’accroche. Si La Femme n’existe pas, La Bite non plus ; sans quoi comment existeraient la femme à bite, ou l’homme à vagin ?
Jusqu’à présent, les théorisations psychanalytiques s’accordent sur la co-occurrence de la fonction phallique qui, si la forclusion du Nom-du-Père n’a pas lieu, n’est pas entravée, laissant le Phallus non forclos. Oui, cela est juste. Mais cela omet une possibilité, celle faisant du Phallus l’objet d’une forclusion, dont il faudra dire à quelle orientation dans la structure elle ouvre (névrose, psychose, perversion), sans présumer de la forclusion du Nom-du-Père qui lui est réservée jusqu’à présent dans les élaborations. En effet, si les conséquences de la forclusion du Nom-du-Père, typique de la psychose, porte atteinte à la possibilité de l’avènement phallique tel que nous le rencontrons on ne peut mieux dans la névrose qui ne s’y confond pas, il n’en reste pas moins comme possibilité une alternative qui ne s’inscrit en sens contraire, mais plus prosaïquement en contre le Phallus sans entraîner dans son mouvement celle du Nom-du-Père déterminant la psychose. C’est ici, autre chose que le refus opposé au manque si bien symbolisé par le Phallus dont la perversion se soutient. C’est ici, bien davantage, une modalité d’éloignement de l’aliénation spécifique à la névrose au Père de la fonction susceptible d’ouvrir une dimension spécifique du champ de la subjectivation devant s’accommoder de l’accord forcé du Phallus à l’objet a.
Aussi, nous sommes invité·e·s à considérer avec soins cette possibilité, cette ouverture constatée de ce qui pourrait être pensé en termes de courants distincts, à l’appui du clivage peut-être, où le sujet se débrouille et s’accommode des possibilités d’ascension que lui accorde, par ses coordonnées, l’espace de dialectisation de l’être avec l’avoir.
En résulte, diffractée, une conception renouvelée du devenir des enjeux du phallique à l’appui des manifestations cliniques actuelles, non sans contradictions et précisions des modélisations acquises jusqu’à présent. D’où peut être mis au rang des spéculations théoriques utiles au présent, cette disposition du signifiant Phallus à être rejeté secondairement à l’acquisition ou l’adoption ou l’inscription symbolique (avec ses conséquences) du signifiant du Nom-du-Père.
Les temps à venir nous diront quels développements méritent d’y être promus en nécessité de la conduite de l’exploration analytique se perpétuant.
Ceci invite à considérer l’ascension évoquée de l’objet a en pis-aller de Phallus où du signifiant a été forclos, non en valeur absolue ainsi que nous le soutenons à propos de la forclusion, mais partiellement : qu’en penser ? Pourquoi ne pas soutenir, ici, l’effet d’un démenti, en prenant soin de ne pas abandonner les traces préalables au démenti d’une forclusion ne portant pas sur le signifiant Phallus ou du Nom-du-Père, mais probablement sur la Jouissance son signifié ; la Jouissance forclose favorable au démenti organisateur des traces donnant accès au refoulement. Le démenti ne conviendrait-il pas mieux que la forclusion pour penser cette affaire ?
Il faudrait développer ce que les éloges des plaisirs, avec toute la force persuasive et pervertissante qu’ils entraînent, ont pu encourager que soit forclose la Jouissance dans le corps de l’infans né·e de parents marqué·e·s dans leurs propres corps par les signifiants d’une libéralisation sexuelle porteuse de cette invitation à un rejet massif, mais sélectif de la Jouissance. On ne maudit jamais assez les piètres disciples de Foucault en mal de luxure arrachée plus que créée, n’est pas l’auteur qui veut.
Disjointe de la possibilité dialectique ouvrant à l’impossible négativisation du Phallus, cette offre ouvre la voie à ce que dudit Phallus démenti dans sa dimension positive inscrivant le manque au rang de symbole même, ne permette pas que la signification opère à la réalité, sans objet autre que l’inscription symbolique écartée du champ de l’actualité où paraît la possibilité d’une élection partielle de la cause du désir au lieu du morceau d’inscription refusée comme savoir.
Tout ceci n’est pas éloigné de ce qui dans la réalité sociale se laisse voir d’un déclin très partiel du patriarcat, autre effet significatif de ces évolutions sexuelles.
La Jouissance forclose n’est pas toute, elle est celle dite de l’Autre. Au profit de la Jouissance Phallique faiseuse d’émancipation corporelle et signifiante telle que nécessaire aux modifications des rapports entre les sexes commandés d’assurer la réserve des plaisirs dont la limite de la jouissance aurait à en être écartée pour plus de soi-disant liberté, mais aussi pour plus d’égalité entre toustes.
Il ne s’agirait donc plus d’incriminer la responsabilité de la fabrique des enfants pervers au dévoiement des mœurs depuis soixante ans, ainsi que le soutiennent nombre de théoricien·nes, mais de relever, soigneusement, ce qu’il en est d’un démenti partiel de la Jouissance telle que les évolutions sociales et sexuelles les exigent dans notre Culture permettant cette expatriation de la cause du désir, en partie, vers des terres qui lui sont étrangères où elle est sommée de fonctionner comme un nouvel étendard identitaire.
Cette transformation économique et topique majeure permet des choses et en empêche d’autres. Elle permet que s’articule encore le non-rapport sexuel à ce qui le structure Et encourage la disjonction de la Chose avec la part du sens refusé au signifiant expédié en liquidation dudit rapport lorsqu’il est forcé grâce au collapse du reste à être du sujet devant l’Autre de la Jouissance.
Autrement dit, nous progressons, nous autres les êtres-parlant·e·s mais non sans mal à traiter nos structures culturelles sur l’invitation du savoir en instance, non sans risque de s’arranger un peu trop vite ou trop moïquement à ce qui se présente comme chemin de vie.
Transition par/pour/contre le genre/sexe/x
Nous nous trouvons, répétons-le encore une fois, devant un paradoxe et une ambiguïté qui mériteraient d’être éclairci·e·s. Les questions liées à l’actuel du sexuel (les questions dites de genre en particulier), activent très largement les opinions des un·e·s et des autres, ce bien au-delà des personnes ou intervenant·e·s concerné·e·s par les « prises en charge et les accompagnements », tandis que l’expérience même de la clinique, de la pratique psychanalytique, notamment, telles qu’elles sont traversées et travaillées par le « genre » ne produisent toujours pas d’élaborations théoriques nouvelles au service d’une extension des savoirs issus de l’expérience, de propositions conceptuelles nouvelles, au risque de l’égarement, au risque de la recherche.
Au lieu de cela, nous sommes comblés en performances, tous azimuts, de la part des fétichistes du signifiant (réduit au performatif par ces bouches trop ouvertes), plus encore que chez d’autres sectaires, moins modernes, qui se régalent de leur vérité écrasée à la surface de leurs énoncés en forme punch line. N’ont-ielles pas aperçu que ce qui faisait, autrefois, matière à verbatim, à citation célèbre, se délite dans l’égrainement de leur chapelet ? C’est une situation de rupture et de métamorphose impossible, que d’avoir à renoncer à s’accrocher aux fourrures du père qui n’ont plus la tenue que leur Sujet leur confiait dans un travail de couture et de broderie savante. Reste le bégaiement, la bave, et l’oubli de soi.
Comment comprendre cela ? Car la situation actuelle est insatisfaisante, elle semble même orientée vers une impasse qui lui tend les bras : le débat de société. Non que ce niveau de mise en réflexion de l’expérience ne soit pas digne d’intérêt, mais parce que nous savons combien le débat de société ne peut pas constituer la matière ni la forme adéquates d’un questionnement qui engage si sérieusement les vies de personnes rencontrant des difficultés.
En synthèse supplémentaire, voici ces trois repérages de transitions distinguées entre les signifiants sexe et genre, avant d’aborder celles de l’x.
Transition dite de sexe
s’engage par le sexe objet symbolique reconnu dans la réalité sous les traits d’un agent de sexuation, au symbolique comme signifiant de la jouissance (Phallus) ou fabrique du manque.
Transition dite de genre
s’engage par le genre objet imaginaire reconnu dans la réalité sous les traits d’un facteur de sexuation, au symbolique comme fabrique du sexe ou comme signifiant du différend.
Transition dite de x
s’engage où nous ne pouvons le savoir ni le voir.
Les deux premières concernent où sont concernées par la sexuation.
Les deux premières transitions constituent des possibilités de choisir son sexe, à défaut de le décider.
La troisième dépasse ce qui ne se noue pas aux deux autres, laissés pour compte, où le Sujet s’illustre de son débordement signifiant par la performativité convoquée à la surface de l’énoncé. L’avenir dira la suite…
Selon que la transition sera engagée soit via le genre soit via le sexe, ce qui ne permet pas d’éviter les autres termes, le parcours sera différent, les créations dans la cure tout autant.
Les transitions concernent peu la sexuation en tant que la plupart ne l’interrogent, ni ne la contestent, ni ne la questionnent ; le sujet de l’inconscient peut maintenir son rapport à la fonction phallique et la jouissance bien qu’ayant mobilisé les moyens physiques et/ou psychiques d’une transition de sexe/genre. Elles peuvent, cependant, soutenir des modifications dont la cure saura dire les enjeux en termes de sexuation altérée ou modifiée (ce que l’on est en droit d’attendre ou d’espérer, d’une cure).
Ce faisant, quelques repérages se sont présentés à leur tour, de l’orientation du sujet dans la structure selon qu’il s’agisse de transition de sexe/genre/x, que nous écrivons dans ce tableau pour inscrire le mouvement des dynamiques à l’œuvre, non pour soutenir une volonté diagnostic qui n’a pas lieu d’être ici, mais pour rendre compte de l’expérience clinique en cours.
Tableau orientation dans la structure/transitions
Ce tableau ne présente aucun élément de diagnostic, mais distingue les nuances considérables et utiles à prendre au sérieux pour soutenir une approche plus subtile de l’orientation du Sujet dans la structure.
Conclusions
Le phallus mal compris, pris pour ce qu’il n’est pas, fait retour au corps comme savoir refusé. Mal compris d’avoir été pris pour objet où il n’est que signifiant. Sa chute, sa dégradation emporte avec elle une dégradation du signifiant lui-même face aux attraits du performatif. Mais le performatif ne quitte jamais la surface de l’énoncé où gît la vérité pour lui, privant l’enfant ou l’être du signifiant dont la vérité gît très ailleurs de l’énoncé, du côté de l’énonciation.
L’a-sexuation témoigne du fait que la sexuation hors phallus opère, mais qu’elle fait peser à l’imaginaire, sur le corps, dans sa version non spéculaire et spéculaire de représentation en surface des chairs réelles, des exigences représentationnelles qui trouvent dans l’actualité des vecteurs de réalisation prodigieux rendant accessibles l’impensable : changer de sexe, quand il serait si simple de reconnaitre que le sexe est à créer, non à changer. Puisqu’il est toujours à créer, le sexe. Il l’a toujours été.
Les transitions peuvent modifier la sexuation, mais surtout elles l’engagent bien souvent, non pas de l’entamer là où il n’y avait rien (pas de sexuation), mais de tirer au clair les termes d’une sexuation restée inaboutie, trop peu praticable, dangereuse… pour le sujet.
Elles sont dans ce cas, pour la plupart des cas des reprises de sexuation inachevée, pour organiser une meilleure manière de dire non à la castration.
Une cure analytique est forcément une transition de sexe/genre, comme symptôme, comme agent ou facteur, cette transition est incontournable pour la cure menée à son terme. Sans quoi il n’y aurait que l’identification au sexe/genre/x de l’analyste à la place du symptôme, identification au symptôme au terme d’une cure qui n’a pas fini de dire ce qu’elle avale au lieu de le produire.
FIN.